« Transmen in San Francisco: What do We Know from HIV Test Site Data? » est un article de décembre 2010 sur la santé des hommes trans à San Francisco, basé sur des données issues d’un site de dépistage du VIH.
Résumé
L’épidémie de VIH/sida affecte de manière disproportionnée les populations marginalisées. En effet, peu de programmes de prévention appropriés sont conçus pour les populations en marge de la société, ce qui peut contribuer à augmenter les risques de transmission du VIH. Les hommes trans (personnes FtM) constituent une population plus à risque vis-à-vis de l’infection à VIH. Malheureusement, peu d’études sont disponibles pour mieux comprendre la situation épidémiologique de cette communauté. Les données présentées dans cet article, qui constitue une description de la situation, ont été collectées sur des sites de dépistage du VIH à San Francisco en 2009. 59 personnes identifiées comme trans FtM ont effectué (au moins) un test de dépistage. Bien que les données comportementales indiquent des risques importants d’exposition au VIH, la prévalence est très faible dans cette communauté. Il reste donc du temps pour agir. Afin d’éviter l’émergence d’une nouvelle épidémie concentrée dans un groupe de population minoritaire, il est nécessaire de mener des enquêtes plus approfondies pour comprendre les besoins de santé de cette communauté.
Introduction
Aux Etats-Unis, il reste difficile d’obtenir des données précises sur la prévalence du VIH chez les trans. A l’échelle du pays, la collecte des données épidémiologiques n’inclut toujours les trans comme catégorie. A San Francisco, des données existent depuis 1996, indiquant une prévalence de près de 35% chez les personnes MtF. Mais là encore, les données sont discutables, puisqu’elles dépendent en large part de la manière dont les individus se présentent aux personnel de soin.
Il existe de longue date une forte communauté trans FtM à San Francisco, même si sa taille exacte reste difficile à estimer. De plus, très peu d’études ont été menées sur la santé de ces personnes, et leur santé sexuelle en particulier. D’un point de vue épidémiologique, les cas de séropositivité sont très rares. On sait cependant que de nombreux hommes trans ont des relations sexuelles avec des gays/HSH et/ou des femmes trans, populations parmi lesquelles la prévalence du VIH est très élevée dans cette ville (respectivement 24% et 35%). Cependant, pour les auteurs de l’article, les hommes trans constituent une population négligée en terme de risque VIH.
Méthodologie
Les données présentées dans l’article sont issues de 17 centres de dépistage du VIH de San Francisco. Des questionnaires comportementaux y sont proposés aux personnes testées.
Résultats
Sur les 16 273 tests en 2009, 64 (0,4%) ont été effectués par des hommes trans. En prenant en compte les personnes ayant fait plusieurs fois le test, les données portent sur 59 individus. Aucun d’entre eux n’a été testé positif au VIH. La grande majorité (79%) est âgée de moins de 35 ans ; environ la moitié a moins de 25 ans. 73% des testés s’auto-définissent comme blancs, 7% comme latino, 8% comme noir, 2% comme asiatique. Près de la moitié (45%) n’a pas d’assurance santé.
Orientation sexuelle
Environ les 2/3 définissent leur orientation sexuelle comme « gay/lesbienne/queer », 15% comme bisexuels et 5% comme hétérosexuels. Les catégories « gay/lesbienne/queer » ne sont pas dissociées dans le questionnaire, ce qui ne permet pas d’estimer précisément qui sont les partenaires de ces répondants.
Partenaires
Parmi les répondants ayant eu au moins un partenaire sexuel dans l’année écoulée (98%) :
– 15% ne déclarent qu’un seul partenaire et 73% en ont eu deux ou plus
– 22% ont eu à la fois des partenaires cisgenres (hommes et femmes) et trans
– 47% ont eu au moins un partenaire trans. 61% ont eu au moins un partenaire homme cisgenre
– 17% déclarent n’avoir eu que des partenaires femmes cisgenres.
Risques VIH et IST
En terme de risque, 63% des répondants rapportent des pratiques vaginales ou anales non protégées dans les 12 derniers mois. Près de 10% des répondants ont eu des relations sexuelles avec une personne séropositive (à leur connaissance). Une minorité de répondants a complété les informations concernant les IST (27%). Seul 5% de l’échantillon rapporte avoir été diagnostiqué aux Chlamydiae (dans les 12 mois précédent), 2% pour la gonorhrrée, 2% pour la syphilis.
Produits psychoactifs
8% des répondants ont consommé de la drogue par voie intraveineuse dans les 12 mois précédents, 5% ont partagé leur seringue. Moins de la moitié de l’échantillon a donné des indications concernant l’usage de produits. Les produits consommés sont :
– la méthamphétamine (5%)
– le crack (5%)
– la cocaïne (14%)
– le poppers (14%)
Discussion
Les auteurs attirent l’attention sur plusieurs points.
- Le premier concerne le fait que près de la moitié des répondants ont des partenaires trans. Même si on ne sait s’il s’agit de MtF et/ou de FtM, cela dénote des réseaux sexuels très interconnectés, dans lesquels une séroconversion pourrait avoir des conséquences rapides en terme de diffusion du VIH. C’est d’autant plus préoccupant du fait de la très forte prévalence chez les femmes trans à San Francisco.
- Il apparaît qu’un nombre important d’hommes trans se définit comme LGBQ, et/ou ont des partenaires HSH/gays cisgenres. C’est-à-dire qu’ils sont potentiellement en lien avec une autre communauté (gay) où la prévalence du VIH est très forte.
- Les hommes trans répondants à l’enquête sont caractérisés par une relative précarité sociale (nombreux sont sans assurance santé, 1/3 n’a pas de logement stable, près de la moitié à moins de 25 ans).
- 8% des répondants déclarent avoir utilisé des produits psychoactifs par voie intraveineuse. C’est plus que dans la communauté gay.
- Enfin, les répondants déclarent un nombre élevé de partenaires, avec lesquels les pratiques sexuelles ne sont pas toujours protégées.
Pour les auteurs, l’ensemble de ces constats place la communauté des hommes trans dans une situation de vulnérabilité face au VIH/sida.
L’échantillon présente des limites.
• Les blancs y sont surreprésentés, ce qui suggère que les personnes non blanches fréquentant les centres de dépistage ne s’autodéfinissent pas comme trans, ou qu’ils sont moins susceptibles de recourir au test de dépistage.
• De plus, il manque des informations importantes sur les partenaires des répondants : communauté, statut sérologique, pratiques sexuelles…
• L’échantillon est petit (59 personnes), et le mode de recrutement (centre de dépistage) crée un biais non négligeable.
Cependant, il s’agit d’une des enquêtes sur les hommes trans avec le plus important nombre de répondants.
Pour conclure, il n’y a heureusement aucun dépistage positif dans l’échantillon. A l’échelle de l’histoire de l’épidémie à SF, seul un petit nombre de cas a été documenté chez des hommes trans. Si les risques existent la prévalence est très faible. Il est donc temps d’intervenir en menant des actions ciblées de prévention et de dépistage. Afin d’éviter l’émergence d’une nouvelle épidémie concentrée dans un groupe de population minoritaire, il est nécessaire de mener des enquêtes plus approfondies pour comprendre les besoins de santé de cette communauté.
English Abstract :
The HIV epidemic has disproportionately affected marginalized populations. Societal marginaliza- tion contributes to the lack of appropriate prevention pro- grams focusing on these populations, which in turn may contribute to ongoing HIV transmission. Transmen (female-to-male transgender persons) may also be a mar- ginalized population at risk for HIV infection. Unfortu- nately, few studies that focus on transmen have been conducted. We considered the available existing data sources that may include members of the transmen popu- lation in San Francisco to describe what is known and what remains to be understood with respect to their risk for HIV. Data used for this descriptive analysis were collected at HIV test sites in 2009. In 2009, 59 unduplicated test seekers identified as transmen. While behavioral risk fac- tors present in this study point to the high potential for HIV risk, there may still be low HIV prevalence and time to intervene. Lest we be caught off guard as another mar- ginalized sexual minority experiences the tragedy of a rapid HIV epidemic, more detailed, specifically designed studies are needed to complete what we do not know about this population.
Transmen in San Francisco: What do We Know from HIV Test Site Data?
Chen S, McFarland W, Thompson HM, Raymond HF.
AIDS and Behavior. 9 Dec 2010 (Online First™, 8 December 2010)