Voici le chapitre traitant du VIH/sida de « Je m’engage », un manuel pour les professionnels de la santé et des services sociaux qui travaillent avec des personnes trans développé par ASTT(e)Q.
Séroprévalence dans les populations trans
Le taux de séroprévalence du VIH dans les communautés trans, est extrêmement élevé. Certains travaux de recherche ont été menés dans le but de mieux comprendre quelques-uns des facteurs responsables de ce haut taux de séroprévalence et de créer des ressources et des programmes de prévention du VIH spécifiquement adaptés aux besoins des personnes trans.
Voici quelques-uns des facteurs responsables du taux de séroprévalence élevé chez les personnes trans :
- De nombreuses personnes trans partagent des seringues à injections intraveineuses (pour l’administration de drogues) et intramusculaires (pour l’administration d’hormones). Bien qu’au Québec, les pharmacies et les centres d’échange de seringues distribuent des aiguilles à injections intraveineuses, ils distribuent plus rarement des aiguilles à injections intramusculaires. L’accès à ces dernières pose tout particulièrement un problème lorsque les personnes achètent leurs hormones sur le marché noir. Conséquemment, de nombreuses personnes continuent de partager des aiguilles souillées. Un répertoire des endroits où l’on peut obtenir des seringues propres est disponible à l’adresse suivante : http://www.msss.gouv.qc.ca/sujets/prob_sante/itss/index.php?aid=154. Assurez-vous de téléphoner à l’avance afin de savoir s’ils distribuent des seringues à injections intramusculaires.
- Le langage des ressources et campagnes d’éducation en matière de sécurisexe et de prévention du VIH est souvent aliénant, car il ne reflète pas la spécificité physique et la vie des personnes trans. Les outils éducatifs, concernant le sécurisexe, spécifiquement conçus en fonction des besoins et de la réalité des personnes trans sont très rares.
Certaines personnes trans ne se considèrent pas à risque d’être exposées au VIH en raison de l’invisibilité et de l’absence de discussion franche et ouverte sur la question. - La mésestime de soi et la peur du rejet dans le contexte de relations sexuelles et amoureuses poussent souvent les personnes trans à prendre des risques qu’elles ne prendraient généralement pas.
- La crainte d’être maltraitée ou de subir de la discrimination dissuade souvent les personnes trans d’accéder à des soins de santé.
- De nombreux organismes prestataires de services liés au VIH/sida ne font pas d’efforts concrets pour adapter leurs ressources à la réalité des personnes trans.
La recherche sur le VIH/sida ne tient pas compte la plupart du temps de l’expérience des personnes trans. Les femmes trans sont souvent, par exemple, placées dans la catégorie HARSAH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes), sans égard au fait qu’elles sont des femmes et qu’elles n’ont pas nécessairement des relations sexuelles avec les hommes. Ce type de recherche efface ainsi l’expérience des personnes trans.
De l’information concernant les modèles de recherche qui intègrent de manière positive la réalité des personnes trans est disponible à l’adresse suivante : http://transhealth.uscf.edu/pdf/data-recommendation.pdf.
Le projet Trans Pulse constitue un excellent exemple de projet de recherche communautaire sur la santé trans. Pour plus d’information, visitez le site http://www.transpulse.ca.
Divulgation de l’état sérologique relativement au VIH
Un patient n’est pas tenu, en règle générale, de divulguer son état d’infection (ou de non-infection) par le VIH à un fournisseur de soins de santé. De plus, un certain nombre de corps professionnels spécialisés en matière de déontologie médicale ont statué que le refus d’un patient de se soumettre à un test de dépistage du VIH ne constitue pas un motif valable pour refuser de lui fournir des services.
Selon la charte québécoise des droits et libertés de la personne, l’infection par le VIH constitue un handicap et la discrimination fondée uniquement sur la séropositivité une violation des droits d’un individu. De plus, les normes de soins de la WPATH suggèrent qu’il est contraire à la déontologie médicale de restreindre l’accès d’un patient à l’hormonothérapie et à la CRS en raison de sa séropositivité à des infections transmissibles par le sang comme le VIH, l’hépatite B ou C, etc.
L’article 23 du Code de déontologie du Collège des médecins du Québec est d’ailleurs très clair à cet égard :
« Le médecin ne peut refuser d’examiner ou de traiter un patient pour des raisons reliées à la nature de la déficience ou de la maladie présentée par ce patient ou pour des raisons de race, de couleur, de sexe, de grossesse, d’état civil, d’âge, de religion, d’origine ethnique ou nationale ou de condition sociale de ce patient ou pour des raisons d’orientation sexuelle, de moeurs, de convictions politiques ou de langue; il peut cependant, s’il juge que c’est dans l’intérêt médical du patient, diriger celui-ci vers un autre médecin. »
Enfin, comme de nombreux fournisseurs de services de santé appliquent le protocole de la WPATH pour la prestation de soins médicaux aux personnes transgenres et transsexuelles, ils sont tenus de respecter les directives déontologiques de l’association et de fournir des services à leurs patients séropositifs. La séropositivité d’une personne ne constitue donc pas un motif valable pour lui refuser un traitement.
Il peut être légitime pour un professionnel de la santé de déconseiller ou de proscrire l’hormonothérapie et la chirurgie dans le cas de certains patients en phase avancée de la maladie. Malheureusement, comme la discrimination fondée sur la séropositivité s’exprime souvent en ces termes, il est extrêmement difficile, pour les personnes malades et les intervenants et organisations qui défendent leurs droits, de discerner si un traitement est véritablement contre-indiqué ou s’il sert de prétexte à une pratique médicale discriminatoire.
Certains chirurgiens ont refusé à quelques occasions la CRS à des patients uniquement en raison de leur séropositivité. Le comportement de ces chirurgiens constitue un manquement déontologique majeur et contrevient à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Dans une telle situation, le seul recours dont dispose un patient est de déposer une plainte auprès de la Commission des droits de la personne du Québec.
Au Centre Métropolitain de Chirurgie Plastique de Montréal, l’admissibilité à la CRS des personnes trans séropositives est évaluée au cas par cas et en fonction de l’état de santé général de chaque patient.
Ceci étant dit, il faut se rappeler qu’au Canada, la loi stipule qu’une personne séropositive peut faire face à des accusations criminelles si elle omet de divulguer son état sérologique alors qu’elle s’adonne à des activités comportant des risques significatifs de transmission. Étant donné les standards de précaution médicalement établis, pour un patient qui ne divulgue pas sa séropositivité à un professionnel de la santé ne devrait pas être matière à préoccupation. Dans la plupart des cas relevant de cette loi, des accusations criminelles ont été portées contre des personnes qui n’avaient pas informé leurs partenaires sexuels de leur séropositivité. À ce jour, aucun cas de non-divulgation de séropositivité à un médecin n’a été porté devant les tribunaux. Pour plus d’information concernant la criminalisation du VIH au Canada, visitez le site Web du Réseau juridique canadien VIH/sida à l’adresse suivante : http://www.aidslaw.ca.
Risques concernant la santé
L’état sérologique positif d’une personne au VIH n’est pas une contrindication absolue au THS. Le traitement comporte toutefois certains risques, et il est préférable d’obtenir un large éventail de renseignements et d’opinions médicales en la matière. Les personnes les mieux informées sont celles qui ont divulgué leur séropositivité à leur médecin. D’autres ont mené ailleurs leurs recherches avec le soutien de personnes en qui elles avaient confiance.
L’estrogénothérapie (ou tout traitement hormonal visant à féminiser) et les interventions chirurgicales, en particulier, présentent certains risques pour les personnes séropositives. Aucun risque associé au traitement hormonal visant à masculiniser une personne séropositive n’a été documenté. Reste à savoir si cette absence de données correspond à une absence de risque, ou bien à un manque de recherche en la matière.
Chirurgie et séropositivité
Comme nous l’avons mentionné précédemment, le protocole pour les normes de soins de la WPATH souligne le fait qu’il est contraire à la déontologie de refuser de fournir des services de santé à une personne en raison de sa séropositivité. Cependant, le VIH peut avoir un effet sur le temps que prend une personne à se rétablir à la suite d’une intervention chirurgicale et augmenter ses risques de contracter des infections opportunistes.
Certains praticiens déterminent l’admissibilité des personnes trans séropositives à la chirurgie en fonction des critères suivants :
- Le patient ne doit pas avoir des antécédents d’infections opportunistes;
- Le patient ne doit pas être dans la phase avérée du sida;
- La numérotation des lymphocytes T-CD4 du patient doit être supérieure à 200;
- La charge virale plasmatique du patient doit être inférieure à 600.
Les directives ci-dessus émanent du docteur A. Neal Wilson qui a pratiqué plus de onze CRS sur des personnes trans séropositives au Detroit Medical Center Hospital. La docteure Sheila Kirk est une autre médecin qui a effectué avec succès des CRS sur des patients trans séropositifs. Elle a d’ailleurs publié sur le sujet un ouvrage intitulé : Transgender and HIV: Risks, Prevention, and Care.
Hormonothérapie et séropositivité
Certains médicaments utilisés dans le traitement du VIH ont pour effet de diminuer le taux d’oestrogènes et d’autres hormones féminines utilisées en hormonothérapie. Les effets féminisants de ces hormones sont parfois supprimés, de sorte que certaines caractéristiques masculines réapparaissent comme la pilosité, des érections fréquentes et une perte de poids.
Ce qu’il faut se rappeler, en fin de compte, c’est que l’hormonothérapie n’est pas nécessairement plus risquée en présence du VIH. C’est l’interaction spécifique de certains médicaments utilisés pour le traitement du VIH avec certaines hormones prescrites en hormonothérapie qui peuvent produire des effets indésirables. On recommande aux médecins et aux patients de consulter des experts s’ils désirent obtenir des réponses adéquates aux questions qui les préoccupent.
Dans une perspective de réduction des méfaits, un médecin doit accorder à un patient bien informé et légalement apte à donner son consentement toute la considération qui lui est due en ce qui concerne les options de traitement disponibles. Prescrire l’hormonothérapie à un patient qui en fait la demande ne peut être que bénéfique pour son bien-être émotionnel et son état de santé en général.
Des protocoles cliniques reflétant les principes que l’on vient d’énoncer ont été développés par le Tom Waddell Health Center de San Francisco. Le centre offre des soins aux personnes transsexuelles séropositives et recommande fortement que les fournisseurs de soins de santé aux personnes transsexuelles approfondissent leurs connaissances médicales en matière de VIH.
Les protocoles de soins du Tom Waddell Health Center sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.sfdph.org/dph/comupg/oservices/medSvs/hlthCtrs/TransGendprotocols122006.pdf.
Source : SanteTransHealth.org