L’histoire de la lutte contre le sida l’a prouvée : pour les minorités sexuelles et de genre, l’épidémie est aussi une affaire de droits humains et de mobilisation collective. Le niveau d’auto-organisation des gais, des femmes, des usagers de drogues permet de mieux comprendre les atouts dont ils et elles disposent face au VIH. Mais, plus de trente ans après le début de l’épidémie, on manquait de recul sur l’état de la mobilisation des communautés trans à travers le monde.
Une étude présentée à la conférence mondiale sur le sida à Melbourne, en juillet dernier, fait le point sur les défis des mouvements trans à l’échelle internationale. L’étude a été menée en 2013 par l’organisme GATE (Global Action for Trans* Equality) auprès de 340 associations/regroupements trans et intersexes à travers le monde. L’enquête était diffusée en anglais, en français et en espagnol.
Premier constat, les mouvements trans sont en plein essor, partout dans le monde : près d’un tiers des groupes interrogés avaient moins de 3 ans d’existence. La plupart des groupes mènent des actions à l’échelle locale ou nationale, et seule une petite minorité s’implique au niveau international. Politiquement, la majorité des associations sont dirigées par des personnes trans elles-mêmes.
L’argent, c’est le nerf de la guerre ! Le rapport souligne un déséquilibre certain : au niveau mondial, en 2010, les financements pour les droits LGBT représentaient 72,6 millions de dollars, mais seulement 1,6 millions étaient consacrés aux questions trans.
Plus concrètement, la moitié des groupes interrogés sont indépendants dans leur fonctionnement, mais seul un quart des groupes ont leur autonomie financière. Pour les autres, il s’agit souvent de programmes trans dans des groupes plus larges (LGBT, sida, santé, droits humains, etc.). Cette absence d’indépendance financière peut compromettre la capacité à décider de priorités pour sa propre communauté. Enfin, une majorité (54%) des groupes fonctionne avec un budget inférieur à 10 000$. Parmi eux, les groupes dirigés par des personnes trans sont les moins bien dotés.
L’enjeu réside aussi dans la capacité de monter des demandes de subventions et d’obtenir des fonds. C’est d’autant plus vrai que bailleurs de fond dans le domaine du sida ou des questions LGBT ne prennent bien souvent pas en compte les réalités trans. Lorsque les financements existent, ils englobent encore trop souvent les réalités trans sous l’étiquette réductrice « Men who have Sex with Men ». Dans ce cadre, le manque de données épidémiologiques et sociologiques sur les populations trans et leurs vécus est un frein important. Car sans données statistique, les financeurs sont plus réticents à s’engager. Globalement, il apparaît que les gouvernements ne subventionnent que rarement les groupes trans.
Offrir des services sociaux et de santé pour les personnes trans fait partie des actions les plus fréquemment menées par les groupes interrogés. Lorsqu’on leur demande quels sont leurs priorités, les associations mettent aussi en avant la nécessité de réseauter avec d’autres groupes trans, mais aussi de développer des compétences dans la collecte de fonds.
Les données du rapport sont disponibles dans la version longue, ou à travers un résumé. À la fin du rapport, une liste de recommandations est adressée aux financeurs publics et privés. Le rapport est très intéressant, car il est illustré avec des exemples d’associations trans du monde entier, présentés sous forme d’encadré.
Télécharger les rapports
The-State-of-Trans-and-Intersex-Organizing-Report-Summary-2014.pdf
The-State-of-Trans-and-Intersex-Organizing-Funding-Report-Summary-2014.pdf